Après une année compliquée et des mois de pluie, la moisson de cette année se distingue par sa très forte hétérogénéité et des rendements décevants.
©Guillaume Czerw
Une récolte atypique : informations générales
Des semis à la récolte, les cultures d’hiver ont été impactées/ pénalisées par les précipitations très régulières sur la grande majorité de l’hexagone.
De nombreuses surfaces de blé n’ont pas pu être emblavées à l’automne en raison du surplus d’eau, principalement sur la façade atlantique. Ainsi, la surface française de blé pour la récolte 2024 s’établit à 4,2 Mha, selon le consensus du marché (soit une baisse de 11% de la sole par rapport à l’année passée). Les pluies quasi continues sur toute la campagne ont amené une forte pression maladie et adventices, faisant pression sur le rendement. Durant la phase du remplissage des grains au mois de juin, le manque d’ensoleillement et les faibles températures ont également impactés à la baisse les rendements. Enfin, les pluies ont perduré durant la période de récolte, affectant pour le rendement et les qualités des blés.
Sur les différentes zones de productions françaises, nous pouvons statuer sur une baisse globale de 10 à 30 % de rendement. Tant en termes de rendement que de qualité, cette récolte s’avère donc hétérogène en fonction des dates de récoltes, des types de sols et des terroirs.
En Europe, la récolte est en-dessous des normales, principalement en raison du recul de production en France et Allemagne.
A l’échelle mondiale, les productions de blé sont globalement bonnes. Nous pouvons noter une production très satisfaisante aux Etats-Unis (54 MT, soit +4 MT vs l’an passé) et une production finalement convenable en Russie (autour de 85 MT) après des craintes au printemps en raison de gels tardifs.
Estimations de production et de rendement :
• Production française : 25,5MT vs 35.1MT l’an passé vs 34,5 MT en moyenne 5 ans.
• Rendement français : 6,1 T/ha vs 7,35 T/ha l’an passé vs 7,28 T/ha en moyenne 5 ans.
• Rendement UE-27 : +-5,6 T/ha vs 5,85 T/ha l’an passé vs 5,9 T/ha en moyenne 5 ans.
Caractéristiques du blé dans la zone de récolte VIVESCIA :
• Taux de protéine : moyenne >11%
• Temps de chute d’Hagberg : >220s.
Parce que ce sont les agriculteurs qui en parlent le mieux, retrouvez le témoignage de d’Alexandre, agriculteur-coopérateur VIVESCIA dans l’Aube, qui nous partage son expérience :
Les lettres de récoltes régionales 2024 : tenir informés nos clients au plus juste
Chaque année, Grands Moulins de Paris édite des lettres de récolte régionales qui prennent en compte les spécificités des blés qui approvisionneront chacun de nos moulins.
Ces lettres contiennent les conseils de nos spécialistes pour tous nos clients artisans boulangers afin de leur permettre s’adapter à ces spécificités. Une information étayée avec des précisions locales d’autant plus nécessaire dans un contexte de moisson hétérogène. Pour apporter des informations vérifiées et synthétisées par rapport aux hétérogénéités des récoltes, nous prenons le temps dans chacun de nos moulins de réaliser l’ensemble des tests nécessaires.
Une fois les blés dans nos moulins, que se passe-t-il ?
En attendant de partager prochainement ces lettres de récolte régionales, nous vous proposons de plonger au cœur du processus avec le témoignage de collaborateurs travaillant sur la nouvelle récolte.
Rencontres avec :
Christophe Ridel, réceptionnaire blé au moulin de Brienne
“Mon travail consiste à réceptionner le blé qui va être utilisé au moulin. Un échantillon est prélevé dans chaque benne se présentant sur le site. Je vérifie la qualité du blé échantillonné pour valider sa conformité via différents contrôles : teneur en humidité, protéines, poids spécifique, impuretés… En cas d’années à risque, je peux également analyser le temps de chute de Hagberg afin de vérifier le taux de germination des grains de blé. Si toutes mes analyses sont conformes, j’autorise le chauffeur à vider son blé dans la fosse.
La récolte et l’arrivée des nouveaux blés sont un moment phare pour nous au moulin. Les blés présentent des qualités différentes d’une année sur l’autre. Il est essentiel que je sois très vigilant pour pouvoir alerter les services qualité et production en cas de résultats inhabituels.”
Frédéric Pirès, Coordinateur Qualité au moulin de Paris-Gennevilliers
“Mon rôle lors de la récolte, avec l’aide du laboratoire et des boulangers d’essai, est de sélectionner les meilleurs lots de blés proposés par les coopératives et de définir un mélange équilibré afin de fabriquer au moulin une farine régulière et de qualité.
Au cours de cette période, un travail tout aussi important consiste à revoir toutes les formulations des farines proposées à nos clients afin de maintenir une qualité constante malgré le changement de récolte et la différence de qualité entre les deux moissons.
Le blé est une matière première vivante et tous les ans c’est une remise en question systématique. C’est à la fois passionnant et enrichissant !”
Jean-Michel Enea — technicien au sein du laboratoire qualité produit du moulin de Bordeaux
“Mon rôle lors de la récolte est d’analyser les blés fraîchement récoltés pour déterminer leurs caractéristiques physico-chimiques.
Je transforme le blé reçu des coopératives en farine au moyen d’un moulin de laboratoire, puis je réalise des analyses, telles que l’alvéographe de Chopin.
La caractérisation des blés nous permet de sélectionner les blés les mieux adaptés aux besoins de nos clients.
Elle permet également de définir les recettes de farines que nous mettrons en œuvre lors de la transition de récolte puis tout au long de l’année, en s’assurant que les farines soient toujours parfaitement équilibrées par rapport à l’usage qu’en feront nos clients.”
Poids spécifique, taux de protéine, temps de chute de Hagberg... Connaissez-vous ces critères essentiels pour la meunerie ?
Le temps de chute de Hagberg
Le temps de chute de qui ? Si vous pensez qu’une petite séance de révision s’impose, on vous explique ce qu’est le temps de chute de Hagberg dans une belle infographie :
Le taux de protéine d’un blé
En tant que meunier, nous réalisons de nombreuses analyses pour déterminer la qualité des protéines des variétés de blés français que nous utilisons. L’objectif est de réaliser le meilleur assemblage de blés pour obtenir des farines adaptées à nos cahiers des charges.
💡 Le saviez-vous ?
Il existe deux grandes catégories de blés :
• Les BPMF = Blé Pour la Meunerie Française qui garantissent une qualité adaptée à la meunerie lorsqu’utilisées en mélange.
• Les VRM = Variétés Recommandées par la Meunerie qui sont une sélection restreinte de variétés utilisables en pure ou en mélange.
Dans ces deux catégories, on distingue :
• Les blés panifiables avec un taux de protéines entre 11,5 et 12,5%
• Les blés de force avec un taux de protéines supérieur à 14%
• Les blés biscuitiers avec un taux de protéines généralement autour de 10%
Le Poids Spécifique (PS) d’un blé
Exprimé en kg/hl, il représente la masse volumique d’un tas de grains.
Autrefois, le commerce des grains se faisait en volume (tonneaux, boisseaux, etc.). Aujourd’hui, même avec la pesée des camions de chargement, ce critère reste crucial, avec un minimum contractuel de 76 kg/hl.
💡 Le saviez-vous ?
Les blés cultivés en France affichent un PS compris généralement entre 77 et 82. Le PS est un critère majeur dans l’achat des blés en culture.
Ce critère est toujours recherché dans la sélection variétale. Les conditions de culture et le climat, notamment durant la phase de remplissage et de maturité du grain, ont un fort impact. Le PS peut se dégrader sous l’effet de la sécheresse ou de pluies intenses, créant des grains plus petits, ou déformés et moins denses.
Ces variations de PS impactent le rendement de production de farine dans les moulins. Lorsque les grains sont trop petits, mal remplis ou bien moins denses et moins durs, le travail de séparation du cœur du grain de blé (l’amande farineuse) et de son enveloppe (le son) devient plus complexe.
Les équipements des moulins sont conçus pour travailler des grains de minimum 76 kg/hl. Le PS est également un indicateur pour organiser le transport et le stockage des blés.